N’oublie pas, n’oublie pas ! Ma venue n’a pour but

2 octobre 2013 23:31:37

Qu’aiguiser ton dessein presque émoussé.
(Le spectre, Hamlet, Acte III, Scène IV)


Octobre sonne à nos portes comme le lourd grelot d’un rituel d’imposition…

Dans la vie quotidienne, l’expression “comme si” est une fonction grammaticale ; au théâtre, “comme si” est une expérience. Dans la vie quotidienne, “comme si” est une évasion ; au théâtre, “comme si” est la vérité. Quand nous sommes convaincus de cette vérité, alors le théâtre et la vie ne font qu’un. C’est un noble objectif. Cela semble difficile. Jouer sur une scène demande un gros effort. Mais quand le travail est vécu comme un jeu, alors ce n’est plus du travail. Jouer est un jeu.

Peter Brook, L’espace vide


C’est inhabituel mais j’insère une publicité :


J’aimerais cher double que tu composes ta chronique

Je vais sans doute me faire des ennemis dans le réseau mais ce 2 octobre 2013, j’ai décidé de faire une chronique marxiste, enfin de manière plus rigoureuse néo-marxiste. Et j’ai des raisons pour ça : la présence de thèmes comme ouvriers, patronat, bourse, syndicats, chômage, travail, employeurs, salariés, CGT, entreprises, revendications, grève, patrons, travailleurs… Bon, encore faut-il pointer des illustrations concrètes historiques. C’est ce que permet cette dépêche appelée : « Emploi à domicile : léger rebond au deuxième trimestre 2013 » et dans laquelle on remarque malgré l’idéologie dominante, des marques de poursuite de la lutte des classes :

« Le nombre total des particuliers employeurs au deuxième trimestre s’est élevé à 2,915 millions : plus de deux millions de particuliers avaient un employé à leur domicile (- 2,8 % sur un an) et 918.000 (+0, 9% sur un an) ont eu recours à une assistante maternelle.a »

De même, cette autre dépêche : « Guadeloupe : entrepreneurs et ouvriers du BTP bloquent la circulation » qui nous apprend ça :

« Des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (BTP) de Guadeloupe, assistés de leurs ouvriers, ont érigé tôt mercredi matin des barrages bloquant la circulation dans l’île, a-t-on appris de sources concordantes. »

Le capitalisme n’a plus à affronter le communisme mais on retrouve bien, malgré l’euphémisation produite par la langue des nouvelles classes bourgeoises, les contradictions pensées par Marx et Engels, revécues à travers les luttes sociales, comme celles qui sous-tendent des thèmes comme « ouvriers » et « patronat » :

Le secteur du BTP se plaint depuis plus d’un an d’une baisse de la commande publique, du non-paiement ou des paiements tardifs des travaux exécutés pour le compte des collectivités locales, de son impossibilité consécutive de faire face au règlement de ses charges sociales et fiscales, et de la concurrence d’entreprises métropolitaines ou européennes attributaires d’appels d’offres dans l’île, où elles viennent opérer avec leurs propres ouvriers.

« Guadeloupe : entrepreneurs et ouvriers du BTP bloquent la circulation », AFP, 02 octobre 2013

Ce cocktail justifie, selon le patronat du BTP, qu’il « joue son va-tout » comme l’a affirmé mercredi M. Gaddarkhan.a

« Guadeloupe : entrepreneurs et ouvriers du BTP bloquent la circulation », AFP, 02 octobre 2013

Les hommes et femmes d’affaires n’ayant pas beaucoup d’imagination, leur seul souci étant d’étendre la logique de marché et leur pouvoir financier, ils cherchent toujours à privatiser de nouvelles entités – ce qui suppose que des entités non marchandes existent préalablement. Ainsi, sur le front des privatisations, on peut lire :

Cette opération « marque une étape importante à la fois pour Alrosa et pour le programme de privatisation » et « dans la stratégie du gouvernement de réduire le rôle de l’Etat dans l’économie », a souligné Olga Dergounova, la directrice de l’agence en charge des biens de l’Etat.

« Diamants : Alrosa lance sa très attendue privatisation partielle », AFP, 02 octobre 2013

La Russie a annoncé ces dernières années d’importants programmes de privatisation censés réduire le poids de l’Etat dans l’économie et moderniser les sociétés concernées.

« Diamants : Alrosa lance sa très attendue privatisation partielle », AFP, 02 octobre 2013

Le propre de l’idéologie dominante, dont le discours ne cesse de se transformer pour mieux cacher les rapports d’exploitation, est de mettre en avant le rôle des personnes, en plongeant les événements dans un halo de personnalisme, qui évite la dureté de l’objectivisme économique. En laissant sa révélation à la charge des critiques de son idéologie, le système capitaliste et ses esclaves médiatiques font peser sur eux une logique du soupçon : il faut être infâme pour voir des rapports de pouvoir là où agissent des acteurs humains, des sujets plus ou moins autonomes. Comment en effet analyser des gens comme M. Letta, Louis Vuitton, M. Obama, François Hollande ou encore Marc Jacobs, qui dominent directement l’actualité du jour d’aujourd’hui comme de simples marionnettes des systèmes ? Et pourtant, quand on fixe de près ce dont il est question, on voit que les personnes sont bien animées par des mécanismes plus profonds :

« Le président du Conseil tiendra un discours fort pour relancer l’action du gouvernement, avec des engagements précis pour résoudre les problèmes du pays et prévoyant un large horizon temporel, non de quelques mois », a déclaré Gianni Cuperlo, un des responsables du Parti démocrate (PD, gauche), après une rencontre avec M. Letta, mardi soir.

« Italie : le chef du gouvernement affronte un vote de confiance », AFP, 02 octobre 2013

« C’était magnifique » s’est exclamée la réalisatrice et amie du designer Sofia Coppola, qui a récemment revisité un sac Vuitton.

« Marc Jacobs quitte Vuitton après 16 ans pour s’occuper de sa marque », AFP, 02 octobre 2013

La crise a eu des répercussions sur l’agenda international de M. Obama, qui a annulé mercredi une visite prévue le 11 octobre en Malaisie et une autre aux Philippines.

« Paralysie budgétaire : Obama reprend langue avec le Congrès », AFP, 02 octobre 2013

Celle-ci l’a accusé de mettre « en danger le pacte républicain », appelant François Hollande à trancher leur différend.

« Roms : sec recadrage de Hollande en Conseil des ministres », AFP, 02 octobre 2013

Il a souligné que la marque Marc Jacobs était passée du statut de « quasi-startup » il y a 16 ans quand LVMH et Marc Jacobs ont uni leur sort – elle faisait alors « 20 millions de dollars de ventes » – à celui d’un poids lourd de « près d’un milliard de dollars aujourd’hui ».

« Arnault annonce la mise en Bourse de Marc Jacobs d’ici 2 ou 3 ans », AFP, 02 octobre 2013

Inutile de réécrire ici les prestigieuses formules de Marx à propos du 18 Brumaire, on voit les risques qu’il y a à prendre les vessies pour des lanternes (surtout quand ces dernières ne sont pas rouges !)

Quels sont les nouveaux sigles ?

Le capitalisme cybernétique a besoin des sigles. Fonctionnant comme autant de codes permettant de disjoindre les valeurs sur le marché des biens symboliques, les sigles contribuent à l’aliénation des masses. Tous les jours de nouveaux sigles viennent inhiber les capacités critiques en marquant le précipice entre ceux qui ont accès aux informations et ceux qui n’y ont pas accès. Cette fracture symbolique redouble la fracture économique et sociale. Par exemple, il faut savoir ce que signifient des sigles comme : EIIL, RUI, ESRT, SMML, FUN

Pour bien prendre conscience de tout ce que la fraction bureaucratique de la classe dominante parvient à dissimuler sous les sigles – et comment les classes dominées sont conduites à se penser dans ce même jargon bureaucratique – il suffit d’ouvrir les nouveaux sigles du jour (que je découvre en même temps que toi !) :

EIIL
Etat islamique en Irak et au Levant,
RUI
référents uniques pour les investissements,
ESRT
Empire State Realty Trust,
SMML
Syndicat Mayotte Médecine Libérale,
FUN
France Université Numérique

Je note les personnalités du jour

Une partie de mes règles de calcul étant opposées à cette personnalisation de l’actualité, une grève du zèle a été décidée, en conséquence de quoi j’affiche un maximum de noms de personnes et non quelques vedettes !

Letta, Vuitton, Obama, Hollande, Jacobs, Berlusconi, Valls, Draghi, Ayrault, Tapie, Duflot, Arnault, Clancy, Vallaud-Belkacem, Mandela, Bartolone, Wallace, Cocteau, Alfano, Dassault, Copé, Duffy, Lagos, Peillon, Musharraf, Maduro, Bokova, Ghesquière, Samaras, Lew, Fabra, Barasa, Ruto, Michaloliakos, Poutine, Merah, Martinez, Lee, Boehner, Bobonazarova, Radiguet, Ory, Lagarde, Le Foll, Head, Tuéni, Tolokonnikova, Cameron, Uderzo, Ferri, Chen, Saleh, Duhamel, Moscovici, Guédiguian, Sasia, Dombasle, Aeschlimann, Chavez, Koizumi, Sarkozy, Montebourg, Schulz, Carton, Young, Le Guen, Hidalgo, Ryan, Buck, Kodres, Viguenin, Hitchcock, Touraine, Couasnon, Garot, Degousée, Wan, Najib, Packer, Filippetti… !

L’état du palmarès des 30 premières personnalités de l’actualité

L’idée de compétition entre les personnes est entretenue et autorenforcée par les structures médiatiques les plus capitalistiques. Ainsi, l’idéologie, déjà fort bien implantée dans la bourgeoisie industrielle classique du XIXème siècle, de la valeur sociale de l’individu en fonction de son succès mondain – aujourd’hui de l’intérêt qu’il suscite pour les médias – est poussée à son comble par l’usage des palmarès. Très facile à établir au demeurant puisque moi-même, simple exécutant, je peux en produire un à partir des dépêches cumulées entre le 14 septembre 2004 et le 1 octobre 2013 :

2446 Sarkozy
1158 Obama
881 Hollande
750 Bush
707 Chirac
702 Fillon
588 Royal
536 Villepin
346 Le Pen
327 Bayrou
327 Poutine
291 Aubry
283 Clinton
282 Merkel
267 Copé
254 Abbas
248 Kadhafi
218 Berlusconi
210 Ayrault
182 Lagarde
177 Netanyahu
176 Bettencourt
171 Chavez
159 Brown
157 Strauss-Kahn
157 Raffarin
156 Borloo
145 Valls
143 Fabius
143 Ahmadinejad

Mais évidemment, on se presse au portillon, et la réserve de main d’oeuvre est inépuisable pour la branche du capital qui s’occupe de l’information. Voici du nouvel arrivage pour ce 2 octobre 2013 :

Jacobs, Clancy, Wallace, Lagos, Fabra, Barasa, Michaloliakos, Bobonazarova, Radiguet, Ory, Head

La nécrologie du jour

La mort n’est pas toujours naturelle en ce bas monde. C’est surtout la misère engendrée par les prédateurs du Nord qui cause le plus de dégâts. "Le nombre de personnes affamées dans le monde est loin de diminuer. Il augmente même de 4 millions par an. » C’est en ces termes, qu’en octobre 2006, acques Diouf, directeur général de la FAO, lance de nouveau un cri d’alarme en présentant son rapport annuel sur l’insécurité alimentaire, à Rome. Triste bilan lorsqu’on sait qu’en 1996, l’objectif fixé par le sommet mondial de l’alimentation (SMA) était de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde en 2015 pour le ramener à 412 millions, soit une baisse de 31 millions par an. Sauf à renverser la tendance, par des actions «urgentes et décisives », d’après de savants calculs, la promesse de 1996 ne pourra être tenue qu’en 2150…

Rendez-vous dans quelques chroniques pour faire le point !

Essayons de prendre un point de vue géopolitique

Bien que, pour une fois, les Etats-Unis n’occupent pas le tout premier plan de l’actualité (Etats-Unis et France arrivent en tête du « classement » ), il est clair que la géopolitologie ne peut faire l’économie des structures de pouvoir qui s’organisent à partir du leadership américain. C’est ce que montrent les relations Etats-Unis – Venezuela :

Selon l’étude, menée dans quinze territoires (Canada, Québec, Danemark, France, Allemagne, Israël, Italie, Pays-Bas, Corée du Sud, Espagne, Suède, Turquie, Royaume-Uni, Etats-Unis et Venezuela), les séries représentent près d’un tiers des programmes les plus performants dans le monde, et les séries locales marchent plus que jamais.

« Les séries télé montent en gamme, notamment en Europe », AFP, 02 octobre 2013

Dernier épisode en date, le Venezuela a indiqué mardi soir que les Etats-Unis avaient expulsé son chargé d’affaires à Washington et deux autres diplomates, dans un geste de représailles après l’expulsion de trois diplomates de l’ambassade des Etats-Unis à Caracas, une information immédiatement confirmée par Washington.

« Venezuela : l’ennemi américain convoqué pour masquer la crise économique », AFP, 02 octobre 2013

États-Unis et Venezuela n’ont plus d’ambassadeurs respectifs depuis 2010.

« Venezuela : l’ennemi américain convoqué pour masquer la crise économique », AFP, 02 octobre 2013

Chavez en moins habile " Les États-Unis sont le grand atout du gouvernement révolutionnaire (du Venezuela), c’est pour cela qu’il ne souhaite aucune stabilité de leurs relations.

« Venezuela : l’ennemi américain convoqué pour masquer la crise économique », AFP, 02 octobre 2013

Perpétuel chiffon rouge, les États-Unis n’en demeurent pas moins le principal exportateur (12 milliards de dollars en 2012) et principal acheteur de pétrole du Venezuela, qui dispose des plus grandes réserves au monde mais dont l’économie est frappée par le manque de devises et des pénuries récurrentes.

« Venezuela : l’ennemi américain convoqué pour masquer la crise économique », AFP, 02 octobre 2013

Le Venezuela a indiqué mardi soir que les Etats-Unis avaient expulsé son chargé d’affaires à Washington, dans un geste de représailles après l’expulsion de trois diplomates de l’ambassade des Etats-Unis à Caracas, une information immédiatement confirmée par Washington.

« Les Etats-Unis expulsent le chargé d’affaires vénézuélien », AFP, 02 octobre 2013

Le président du Venezuela Nicolas Maduro avait ordonné lundi l’expulsion de trois diplomates américains accusés d’entente avec l’opposition pour fomenter des actes de sabotage économique et du réseau électrique du pays.

« Les Etats-Unis expulsent le chargé d’affaires vénézuélien », AFP, 02 octobre 2013

Je passe à la suite !

Dans la plupart des affaires actuelles, par exemple Ruto, SFR, Merah, vice-président, compagnie aérienne, avocat, sévices, saisies, Fabra, Wallace on lit les effets, certes rendus méconnaissables par l’efficacité proprement symbolique du champ judiciaire, des multiples contradictions qui traversent la société capitaliste actuelle. Il faut se garder en tout cas,comme le rappelle Marie-Angèle Hermitte, et la plupart des critiques lucides des évolutions du droit, de les traiter au cas par cas sans chercher à y lire des tendances plus profondes.

C’est maintenant l’heure de retourner à ses lectures. Je préconise un peu de Althusser avant de dormir