Personne ne veut la guerre, sauf les vieux boutiquiers sexagénaires, qui aiment les grands faits divers. L'Allemagne, dites-vous, a besoin de territoires pour son peuple toujours multiplié, pour son commerce toujours croissant... Imaginez-vous un Allemand mobilisable désirant la guerre pour étendre ses affaires ou, par mystique commerciale, pour étendre les affaires de l'Empire ? L'idée est si sotte que nous consentons à la prêter aux Allemands, mais que nous ne pouvons une minute l'attribuer à un Français. Il y a bien cette petite mercière de ma rue, de votre rue, qui dit :
- Les affaires ne vont pas, il faudrait une bonne guerre.
Il y a aussi M. Barrès qui, chaque matin, en se levant, répète :
Je suis Jeanne d'Arc ... Je suis Jeanne d'Arc...
Mais il y a aussi, dans les asiles, quelques vieux délirants qui disent :
- Je suis Napoléon.
Est-ce que ça compte ?

Léon Werth, Clavel soldat (1919)