L’Autre rapport (L’Inspection Générale des Finances aussi a des projets pour l’Université) - Communiqué de Sauvons l’Université ! 5 février 2020 mercredi 5 février 2020, par par PCS (Puissante Cellule Site !) « On est resté sur une demande budgétaire raisonnable (adieu le niveau scandinave, ce sera pour le deuxième quinquennat) » (Thierry Coulhon, source = Macronleaks) Un certain rapport co-écrit par l’Inspection générale des finances et par l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGF/IGAENR) n’en finit pas de fuiter : déjà signalé par un article des Échos du 18 septembre 2019, son contenu a été en partie dévoilé par une dépêche de l’AEF datée du 4 février . Intitulé « Le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités », remis en avril 2019, il est introuvable sur la page IGAENR du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Et pour cause ? Alors que les rapports préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) assignent comme objectif à la France de consacrer 3% de son PIB à la Recherche, ce rapport s’inscrit très visiblement dans un autre projet : maintenir le déficit de l’État sous les 3% en se débarrassant d’une partie de sa fonction publique d’État. Alors que ces rapports évaluent à 2,41 milliards par an la somme qu’il faudrait consacrer à une augmentation des revenus des personnels des universités et de la recherche pour assurer l’attractivité de ses métiers, celui-ci vise un autre résultat : rétracter encore la masse salariale des universités. Plusieurs méthodes sont envisagées : - Éviter le remplacement systématique des personnes partant à la retraite : seuls 2 enseignants sur 3 seraient remplacés et 3 agents sur 4 (personnels BIATSS : secrétariat, gestion, informatique, appui à la recherche, bibliothécaires etc.) - Restructurer les emplois en augmentant les temps de travail pour chacun des postes libérés. Cette méthode est jugée plus intéressante économiquement que le gel temporaire des postes que connaissent depuis dix ans les universités. * Pour les agents, les inspecteurs peuvent s’appuyer sur un rapport antérieur de la Cour des comptes qui a estimé que le temps de travail des agents (BIATSS) devait être relevé à 1607 heures annuelles, ainsi que sur le référé du 19 septembre 2019. Les syndicats y ont répondu en rappelant l’existence d’un accord cadre de 2001 stipulant la réduction du temps de travail et en soulignant le nombre important d’heures et de tâches non rémunérées que ces personnels effectuent. * Pour les enseignants, plusieurs dispositifs sont envisagés. Un processus de « repyramidage » consisterait à transformer des postes de professeurs en postes de maîtres de conférences ce qui permettrait de réduire la dépense salariale. Il s’agirait aussi de transformer des postes de maîtres de conférences en postes de professeurs détachés du secondaire (PRAG) pour doubler le nombre d’heures d’enseignement par poste. * Pour les enseignants toujours, un autre dispositif se profile à l’horizon : le remplacement des professeurs et maîtres de conférences hospitaliers par des « Professeurs assistants hospitalo-universitaires » (PaHU) recrutés sur 4 ans et dont les missions d’enseignement seraient fixées par contrat, conformément aux préconisations du rapport de l’IGAS/IGAENR de juillet 2018. Ce serait la raison pour laquelle les inspecteurs attendraient davantage de fruits de ces restructurations dans les universités pluridisciplinaires où existe un secteur santé. Avec une LPPR conforme aux préconisations de ses rapporteurs, ils pourraient à l’avenir se réjouir d’obtenir des effets similaires grâce aux CDI de chantiers et tenure tracks annoncés. - Agir sur les formations en plafonnant le quota horaire par étudiant, en mutualisant les enseignements entre plusieurs formations et en définissant un nombre minimum d’étudiants avant d’en ouvrir une. À l’heure où certaines formations ferment faute d’enseignants ou d’étudiants, y compris en L1, l’effet est garanti ! - Supprimer le « Glissement Vieillesse Technicité » (GVT) alloué aux universités pour s’acquitter des hausses de salaire liées à la promotion indiciaire de ses agents par ancienneté (les promotions au choix étant par ailleurs contingentées). Pour les inspecteurs, « les universités [étant] à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques », il leur reviendra de trouver des moyens pour pallier le vieillissement de ses fonctionnaires. Avec de tels leviers, le ministère pourrait « espérer » aboutir à assez brève échéance à : - une contraction de l’emploi statutaire à l’université. Les inspecteurs attendent en effet de la suppression du financement du GVT par l’État, en partie rétablie depuis la présidence de François Hollande, une « incitation » à ne plus recruter de fonctionnaires : obligés de pourvoir par eux-mêmes au GVT, les établissements ne pourront pas remplacer les postes et seront amenés à les remplacer par des contractuels dont le salaire n’évolue pas avec l’ancienneté. Gageons en outre que les postes de fonctionnaire proposés à l’avenir, toujours aussi mal payés, mais avec un alourdissement de la charge de travail, seront encore moins attractifs, ce qui aura pour effet d’aggraver un phénomène que l’on connaît déjà bien aujourd’hui dans les universités : le fait que beaucoup de campagnes d’emploi restent infructueuses, faute de candidats. - des fermetures de formations et de diplômes ainsi que des fermetures de centres de recherche. Ce sont les disciplines rares, à faibles effectifs, où les débouchés professionnels dans le privé sont moindres qui devraient être touchées les premières. - une diminution des postes d’enseignants chercheurs, au delà du 1/3 prévu du fait de la diminution progressive de cette offre de formation. La contractualisation d’une partie des enseignants-chercheurs à la place de recrutements de maîtres de conférences, qui pourrait se faire sans en passer par le référentiel des 192h éq. TD, ajoutée à la multiplication des professeurs détachés du secondaire, rendrait de fait en partie caduque ce cadrage national du temps d’enseignement. Atteindre enfin 3% du PIB pour la recherche, dont 1% pour la recherche publique ? Et non ! Comme le montre ce rapport, c’est un tout autre seuil de 3% qui préoccupe Bercy : celui des 3% de déficit public, un objectif que des économies drastiques sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche doivent contribuer à atteindre. Et l’on sait bien que Bercy a toujours eu le dernier mot en matière de décisions concernant la fonction publique. Nous voilà prévenus : les promesses faites à coups de roulements de tambours pour une réforme gagnant-gagnant qui ferait affluer l’argent sur les « performants » sont destinées à se fracasser sur la règle d’airain de l’austérité budgétaire corsetée par Bercy. Les rares qui croient encore au Père Noël s’apprêtent à vivre de nouvelles désillusions. Sauvons l’Université ! 5 février 2020